Portrait du jour : Juliette Volcler
Le DINARD PODCAST FESTIVAL nous dévoile le portrait d’un invité ou un participant, acteur.ice du podcast créatif. Aujourd’hui : Juliette Volcler.
EN DIALOGUE
Juliette VOLCLER est chercheuse indépendante. Coordinatrice éditoriale et productrice d’émissions radio, elle propose au public une analyse collective des créations sonores entendues la veille, chaque matin à 11h00, en salle Ravel. Une belle occasion de réécouter les pièces et de discuter ensemble à partir d’un support commun. Nous l’avons rencontrée.
Pourquoi le Dinard Podcast Festival est-il un événement selon vous ?
Nous traversons une période paradoxale, où une démocratisation très enthousiasmante de la production et de l’écoute se double de la montée en puissance d’un podcast industriel, pratiqué par des radios nationales ou des studios indépendants, qui se caractérise par un appauvrissement des formes et par une approche comptable de la production comme de l’écoute. Pour accompagner la démocratisation, il est au contraire essentiel de maintenir et de développer des espaces au sein desquels se déploient des créations sonores et radiophoniques, qui ancrent l’écoute dans une grande variété de formats et de genres, et qui s’inscrivent dans une histoire riche en expérimentations. Plutôt que de courir derrière le modèle spectaculaire et consumériste, il s’agit de proposer des rapports inventifs à la production et à l’écoute, où le son se conçoit comme une relation, un moment de partage, d’attention, de dialogue.
La création sonore est-elle un engagement politique ?
Tout est politique, la création et l’écoute comme le reste. C’est plutôt le fait qu’elles aient pu être envisagées comme se situant hors du champ politique et social qui est étonnant. De fait, le son a longtemps été perçu comme un objet non historique, relevant peu ou prou de la magie. Lui donner une histoire et comprendre ses ressorts, ce n’est pas l’affaiblir ni le rendre ennuyeux, bien au contraire ! On redécouvre le passé comme le présent, on permet à d’autres imaginaires d’éclore, on éveille un sens dont on ne soupçonnait pas toutes les possibilités. Face à l’explosion des contenus auditifs façonnés par le marketing, nos oreilles doivent apprendre à se défendre, à prendre la tangente, à explorer des alternatives. La création sonore représente à la fois un moyen d’aiguiser son écoute et un lieu où elle peut s’épanouir pleinement.
Auriez-vous un coup de cœur audio récent à partager ? Pourquoi ce choix ? Quelle émotion procure-t-il chez vous ?
Pas un, mais plusieurs, parce que je trouve toujours plus fertile et plus réaliste d’aller vers le multiple.
*La série “Des femmes violentes” d'”Un podcast à soi” sur Arte Radio. Charlotte Bienaimé poursuit un travail immense pour affronter des sujets complexes, difficiles à penser, et éminemment importants. C’est non seulement courageux de sa part, mais elle le fait avec une finesse, une délicatesse et une force rares, perceptibles dans les entretiens qu’elle a menés comme dans les choix de réalisation. *”ESC : Sonic Adventure in the Anthropocene”, pour les anglophones. Jacob Smith y expérimente de façon très stimulante une façon de mener et de diffuser une recherche universitaire dans un podcast, au croisement de l’histoire de la radio, de la critique des médias et de l’écologie. Partant de l’analyse d’un magazine radiophonique sensationnaliste du milieu du XXème siècle et le confrontant à des créations audionaturalistes d’aujourd’hui, il analyse l’évolution des imaginaires du vivant.
*L’antenne “Décoloniser les arts” de la webradio R22 qui mène un travail collectif, notamment à l’initiative de Françoise Vergès et Gerty Dambury, pour exposer la persistance d’une pensée coloniale dans les milieux artistiques et ouvrir de nouvelles perspectives. D’autres antennes de cette webradio questionnent de façon tout aussi forte et nécessaire nos représentations et nos pratiques.
*La rubrique “un cinéma pour les oreilles” des éditions Héros-limite : ça a été une magnifique surprise de découvrir ces mises en ondes de textes littéraires. D’abord, pour leur façon d’aborder la voix, à mille lieux des productions sonores exclusivement centrées sur une parole à l’efficacité immédiate, tenue de transmettre un message précis et de ne donner à entendre, en somme, qu’une infime partie d’elle-même. Ensuite, parce que bien d’autres sons que la voix trouvent leur place pour jouer avec elle de manière nuancée, en appelant notre attention sans la forcer, en découvrant des profondeurs inattendues dans l’écoute et dans le temps. *Enfin, une création sonore qui n’est (presque) pas écoutable sur le web : “Gau On”, d’Antoine Bellanger (à retrouver sur le site d’Antoine Bellanger) : l’enregistrement nocturne d’un vent au Pays Basque, qui se diffuse uniquement via un vinyle recyclé. Allez, un secret : pour l’entendre un peu et surtout entendre son auteur en parler magnifiquement, il faut écouter l’épisode (N°28 saison 3) de Récréation sonore (émission de Radio Campus Paris) consacré à la nuit, aux trous noirs et aux catacombes. Je voudrais rendre hommage, pour finir et pour tout commencer, à Margarida Guia, une performeuse, une créatrice sonore et une personne magnifique. Elle est décédée il y a quelques jours, bien trop tôt, avec encore tant de choses à nous transmettre et à échanger. Vous trouverez de premières ressources pour continuer à faire résonner sa voix sur mon site intempestive.net.
*La série “Des femmes violentes” d'”Un podcast à soi” sur Arte Radio. Charlotte Bienaimé poursuit un travail immense pour affronter des sujets complexes, difficiles à penser, et éminemment importants. C’est non seulement courageux de sa part, mais elle le fait avec une finesse, une délicatesse et une force rares, perceptibles dans les entretiens qu’elle a menés comme dans les choix de réalisation. *”ESC : Sonic Adventure in the Anthropocene”, pour les anglophones. Jacob Smith y expérimente de façon très stimulante une façon de mener et de diffuser une recherche universitaire dans un podcast, au croisement de l’histoire de la radio, de la critique des médias et de l’écologie. Partant de l’analyse d’un magazine radiophonique sensationnaliste du milieu du XXème siècle et le confrontant à des créations audionaturalistes d’aujourd’hui, il analyse l’évolution des imaginaires du vivant.
*L’antenne “Décoloniser les arts” de la webradio R22 qui mène un travail collectif, notamment à l’initiative de Françoise Vergès et Gerty Dambury, pour exposer la persistance d’une pensée coloniale dans les milieux artistiques et ouvrir de nouvelles perspectives. D’autres antennes de cette webradio questionnent de façon tout aussi forte et nécessaire nos représentations et nos pratiques.
*La rubrique “un cinéma pour les oreilles” des éditions Héros-limite : ça a été une magnifique surprise de découvrir ces mises en ondes de textes littéraires. D’abord, pour leur façon d’aborder la voix, à mille lieux des productions sonores exclusivement centrées sur une parole à l’efficacité immédiate, tenue de transmettre un message précis et de ne donner à entendre, en somme, qu’une infime partie d’elle-même. Ensuite, parce que bien d’autres sons que la voix trouvent leur place pour jouer avec elle de manière nuancée, en appelant notre attention sans la forcer, en découvrant des profondeurs inattendues dans l’écoute et dans le temps. *Enfin, une création sonore qui n’est (presque) pas écoutable sur le web : “Gau On”, d’Antoine Bellanger (à retrouver sur le site d’Antoine Bellanger) : l’enregistrement nocturne d’un vent au Pays Basque, qui se diffuse uniquement via un vinyle recyclé. Allez, un secret : pour l’entendre un peu et surtout entendre son auteur en parler magnifiquement, il faut écouter l’épisode (N°28 saison 3) de Récréation sonore (émission de Radio Campus Paris) consacré à la nuit, aux trous noirs et aux catacombes. Je voudrais rendre hommage, pour finir et pour tout commencer, à Margarida Guia, une performeuse, une créatrice sonore et une personne magnifique. Elle est décédée il y a quelques jours, bien trop tôt, avec encore tant de choses à nous transmettre et à échanger. Vous trouverez de premières ressources pour continuer à faire résonner sa voix sur mon site intempestive.net.
Propos recueillis le 26 juillet 2021 par Hélène Courtel – Portrait à retrouver ICI.
Les derniers articles par PODCAST MAGAZINE (tout voir)
- Hexagone Balard : une immersion sonore au cœur de la Défense - 5 novembre 2024
- Chroniques Étranges : mystère et effroi - 4 novembre 2024
- Elles font l’Espace : l’univers des femmes du spatial - 31 octobre 2024