Culture et sciences sociales
Du lundi au vendredi, à 19h20, Marie Sorbier vous attend sur France Culture. Durant des entretiens de 7 minutes en moyenne, elle reçoit philosophes et anthropologues pour analyser un objet culturel. Alors, que dire de la culture au regard des sciences sociales ?
Il y aurait beaucoup de choses à dire parmi les thèmes de société abordés (la liberté d’expression vis à vis de la loi, la course au “woking”, les identités sexuelles dans le monde arabe, la propagation du littéralisme, et bien d’autres encore), mais nous avons isolé deux sujets dans le cadre de la section “Littérature”. D’abord celui sur un potentiel rôle politique des livres pour enfants. S’il est peut-être un peu fort de parler de politisation, il est certain qu’ils ont un impact social car ils véhiculent forcément une part de l’identité de leur auteur, ou parfois son absence d’audace face à des thèmes difficiles à traiter. Ainsi, y demeurent encore de nombreux stéréotypes de genre (notamment sur les rôles parentaux), tandis que les différences et la sexualité sont peu – ou pas du tout – abordées. Divertir, c’est bien, mais cette littérature perd parfois sa visée éducative initiale. Tout en restant dans le rêve, l’invité Christian Bruel milite pour une écriture anti-conformiste, pour ouvrir aux nouvelles générations d’autres voies de réflexion que le politique correct. L’autre question est le dénigrement de cette littérature par le monde institutionnel, visiblement inconscient de sa portée.
Le second, nettement plus préoccupant, concerne la réappropriation de Tolkien par l’extrême-droite italienne et sa nouvelle Première ministre Giorgia Meloni , surfant sur son retour en popularité. C’est à la fois une très bonne nouvelle, car c’est enfin prendre conscience que l’imaginaire peut aussi donner des leçons aux (futurs) citoyens, mais il est navrant de voir cela récupéré par le fascisme. Bien que très religieux et nostalgique du passé, Tolkien avait des idées se rapprochant de la gauche : écologie, communion des peuples malgré leurs différences, mise en garde contre l’usage de la force (et de façon générale contre le totalitarisme), son propos frôlait parfois l’anarchie. Loin de la récupération marketing de Meloni, qui y voit seulement une “terre pure”, une idéologie manichéenne et un combat populiste. C’est d’autant plus triste que Tolkien fuyait la politique et dénigrait toute propagande, peu importe le parti. Une fausse image de son oeuvre donnée d’abord par les films de Peter Jackson, qui sont bien plus dualistes que les romans, et confortée par la très critiquée série d’Amazon Rings of Power (qui introduit des personnages de couleur en affirmant que Tolkien n’avait voulu que des protagonistes blancs, et qui ce faisant “oublie” les Orientais et les Suderons, deux peuples majeurs de la Terre du Milieu inspirés respectivement des Perses ou des Huns et de l’Afrique subsaharienne).