L’art du traitement acoustique
- Philippe LORANCHET
- 28 janvier 2025
Souvent négligé, le traitement acoustique de la pièce d’enregistrement des podcasts est essentiel pour obtenir un rendu professionnel.

Les podcasteurs n’ont généralement pas accès à des studios d’enregistrement professionnels pour effectuer la captation de leur voix. Enregistrer chez soi dans de bonnes conditions est tout à fait possible, sous réserve de respecter quelques principes d’acoustique de base. Une large gamme de produits est disponible sur le marché à tous les tarifs et certains accessoires de mobilier ou de matériaux de construction peuvent être détournés de leurs fonctions initiales pour réaliser des traitements à moindre coût.
“Matter” le son
La première précaution à prendre consiste naturellement à enregistrer dans un endroit à l’abri de la pollution sonore environnante (circulation automobile, bruits de voisinage, etc.).
On choisira également une pièce plutôt “mate” que “brillante” sur le plan sonore. Le microphone capte en effet le son direct issu de la voix, mais également les réflexions de celle-ci sur les surfaces environnantes. Or, ces surfaces réagissent différemment selon leur nature. Les surfaces vitrées et les carrelages réverbèrent la quasi-totalité de l’énergie des ondes sonores qui les atteignent. Éviter donc d’enregistrer dans sa salle de bains !
Préférer des matériaux efficaces qui absorbent l’énergie sonore uniformément sur toutes les fréquences de la voix (c’est-à-dire d’environ 100 Hz à 10 kHz) comme des panneaux acoustiques plutôt que des tapis, rideaux, mousses ou couvertures, qui n’auront une efficacité que sur les hautes fréquences et pas sur le reste (même si c’est toujours mieux que rien du tout). “Pour enregistrer la voix, on va
chercher à avoir un son neutre, explique Lionel Delannoy, conseiller acoustique chez GIK Acoustics. Dans un premier temps, il faut se placer correctement dans la pièce en évitant de se rapprocher des murs et des angles pour avoir une réponse en fréquence la plus linéaire possible. Ensuite, il faut contrôler le temps de réverbération qui dépend du volume de la pièce et de la nature de ses matériaux. La quantité de panneaux nécessaire (ou surface d’absorption) est déterminée en fonction du volume de la pièce et du temps de réverbération souhaité. Nous proposons un calculateur sur le site de GIK Acoustics (https://gikacoustics.fr/calculateur-panneaux-acoustiques/). Pour une voix parlée, on recommande un RT60 d’environ 400 ms sur toutes les fréquences.” Pour mémoire, le RT60 désigne le temps nécessaire à une onde sonore pour diminuer son intensité de 60 dB à une fréquence donnée. Plus
De nombreuses solutions, à tous les tarifs, existent pour obtenir un enregistrement de voix aussi neutre que possible…
celui-ci est court, plus la pièce est “mate”, plus il est long, plus la pièce est réverbérante. “Il faut aussi veiller à réduire les réflexions et échos causés par les surfaces et murs parallèles tout autour de l’espace d’enregistrement et de mixage”, ajoute Lionel Delannoy. En effet, le son a tendance à rebondir sur ces surfaces et produire un effet d’écho indésirable et aussi des perturbations de la réponse en fréquence.
Pour autant, la géométrie de la pièce d’enregistrement est souvent une donnée de base avec laquelle il va falloir composer. “La bonne nouvelle, c’est qu’on n’a pas trop à se préoccuper de traiter les basses fréquences en dessous de 100 à 200 Hz, qui sont plus compliquées à traiter, ce qui fait qu’il est possible d’avoir un traitement efficace avec des panneaux d’une épaisseur allant de 5 à 12 cm, réduisant ainsi le coût comparé à un traitement large bande pour toutes les fréquences”, conclut Lionel Delannoy.
Dans sa gamme de produits conçus aux États-Unis et fabriqués en Pologne, GIK Acoustics propose en particulier le panneau 242 GIK, constitué de roche minérale recouverte d’un tissu au choix. Il est disponible en format carré (60 × 60 cm) ou rectangulaire (60 × 120 cm) et mesure 6,7 cm d’épaisseur. Il peut être fixé sur les murs ou au plafond. Compter environ 100 € pour un panneau rectangulaire standard. Si la pièce d’enregistrement sert également au mixage du podcast, il faudra aller gérer les basses fréquences et préférer alors des panneaux absorbants qui descendent plus bas dans le spectre, comme le Bass Trap 244 GIK, d’une épaisseur de 11,7 cm (compter environ 120 € TTC pour un tissu noir).
Attention aux vitres
Le verre est une surface lisse et dure, ce qui signifie qu’il réfléchit fortement les sons, surtout dans les hautes fréquences. Cela peut causer des réflexions indésirables et des échos, rendant la voix moins claire et précise dans l’enregistrement. Les réflexions causées par le verre peuvent colorer le son, rendant certaines fréquences plus fortes que d’autres et donc nuisant à la qualité du rendu sonore. Il est donc fortement conseillé de couvrir
les fenêtres et baies vitrées par des rideaux épais, ou de placer devant elles des panneaux absorbants sur pied, qui peuvent donc être déplacés facilement.
“Il faut également rechercher le meilleur endroit pour parler dans la pièce, là où la voix sonne le mieux naturellement”, précise Lionel Delannoy. On va éviter de se rapprocher trop près des murs ou des angles qui renforcent les basses fréquences et les réflexions. En général, on va chercher à se trouver à égale distance des murs latéraux et à environ 38% de la longueur de la pièce.” Ce “sweet spot” correspond également au meilleur endroit pour écouter de la musique restituée par deux enceintes acoustiques. À l’enregistrement, comme en écoute, on va donc chercher à se placer à l’endroit de la pièce le moins influencé possible par les problèmes acoustiques (réflexions, ondes stationnaires…).
Soigner le traitement dans l’axe du micro
La plupart des microphones d’enregistrement de podcast ont un schéma de sensibilité cardioïde, c’est-à-dire qu’ils enregistrent davantage le son de l’avant de la capsule (devant, les côtés, dessus et dessous) tout en rejetant le son provenant de l’arrière du micro.
Il existe bien des stands amovibles de type semi-cylindrique en mousse, comme le Fun Generation Micscreen Black de chez Thomann (39 €), mais ce sont surtout les réflexions du son derrière le speaker dont il faut se méfier, comme l’explique Clément Florentin, acousticien de la société 1816 Acoustique : “Plus le speaker est loin du micro, plus la réverbération de la pièce va influer sur la qualité sonore. D’un autre côté, parler trop près du micro peut altérer la clarté de la voix. L’idéal étant comme toujours une pièce traitée, le speaker pourra alors se placer à une distance confortable du micro qui peut du coup être champ si une vidéo est tournée pendant l’enregistrement.”
Dans le cas d’une vidéo YouTube, il faut naturellement soigner l’esthétique de son arrière-plan. La société PYT Audio propose ainsi des panneaux absorbants
dans sa gamme MUTUM ÉCO qui peuvent être imprimés d’un visuel à la demande. Fabriqué en France, ce panneau est constitué de matériaux recyclés et recyclables. Il est constitué d’un molleton d’absorption en coton recyclé pour un impact écologique minimum. Par ailleurs, dans un contexte où l’efficacité sonore est prioritaire, le fabricant turc VTRAP propose de son côté une mini cabine modulaire et démontable qui enveloppe quasi totalement le ou les speakers (voir photo). Le fabricant annonce une atténuation de 6 dB du niveau ambiant au niveau du micro.
De la cabine sophistiquée à l’édredon en plumes de grand-mère, de nombreuses solutions sont disponibles pour enregistrer un signal le plus naturel possible. En dernier recours, il existe des solutions de traitement du signal en post-production qui permettent d’isoler une voix de sa réverbération, comme le plugin DeVerberate d’Acon Digital, basé sur un algorithme de machine learning, disponible sous forme de VST pour Mac ou Windows (70 dollars environ). Les plus technophiles peuvent également effectuer une simulation numérique de leur salle d’enregistrement en utilisant le calculateur gratuit de Saint-Gobain, disponible sur le site Ecophon.com.
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À propos de l'auteur / Philippe LORANCHET
Journaliste de presse spécialisée audiovisuelle depuis 30 ans (Le Haut Parleur, Cinema chez Soi, le Technicien du film, Les années Laser, Ecran Total). Auteur du livre “Le cinéma numérique : la technique derrière la magie” (Editions Dujarric). Animateur d’émission de cinéma sur Radio Rivage, auteur de podcasts sur la musique de film disponibles sur la chaine Total Trax. Passionné d’IA générative, actuellement en formation à la Data Analyse et au Deep Learning.