Youtube et Podcast, histoire de faux-jumeaux


2004, 2005. Vus d’aujourd’hui, disons qu’ils sont jumeaux. Mais pourquoi comparer de la vidéo à de l’audio? Parce que ce sont justement deux choses différentes. En confrontant leurs évolutions respectives, c’est même DavidCast contre Goliatube.

A quoi est dû le succès quasiment immédiat de Youtube, quand le podcast a mis une quinzaine d’années à décoller?
On serait tenté de croire que l’image attire plus naturellement l’humain que le son. Trouvez-vous plus agréable de visiter un site internet illustré de photos, ou une page de texte brut ornée d’un fond sonore? Parions que vous fuyez la deuxième version.

Pourtant, l’expérience montre que nos cerveaux finissent par saturer des écrans omniprésents, et que nous cherchons de plus en plus à nous en libérer. Notre soif d’informations, elle, ne tarit pas, et nous nous retournons finalement vers la bonne vieille radio. Version internet.

Youtube est une plateforme née en 2005. Le premier million de vues sur une vidéo est atteint 15 mois plus tard, un succès dû notamment à la rediffusion gratuite d’une émission populaire aux Etats-Unis, sans l’autorisation de son propriétaire NBC. La réaction de ce groupe audiovisuel, suivie de près par les médias, génère une publicité sans effort pour Youtube.
Google flaire l’affaire, et ne tarde pas à racheter le site. 2007 et 100 millions de vidéos vues par jour, 2009 touche le milliard. La croissance est exponentielle, au rythme des publications. Une heure de vidéos est postée chaque seconde dès 2012. Cinq fois plus, deux ans plus tard.

Le podcast, lui, apparaît en France en 2004 chez Arte Radio, mais est issu de la technologie RSS née en 1999.
118 millions d’écoutes. Ce n’est pas, cette fois-ci, le score journalier de 2007, mais mensuel de mai 2021. Face aux 230 millards de vidéos mensuelles visionnées chez le géant GoliaTube, DavidCast paraît encore  bien gringalet.

D’un côté, une plateforme de référence. De l’autre, une adaptation du flux RSS, conçu pour regrouper des informations disséminées sur le web.
Ainsi, pour écouter un podcast, il fallait se rendre sur le site de son éditeur pour récupérer l’adresse du flux, puis la coller dans un agrégateur RSS. Peu engageant!

Aujourd’hui, les agrégateurs RSS spécialisés dans le podcast (votre application Podcast Addict, Castbox, Google ou Apple Podcasts…) automatisent la recherche de contenus, et les hébergeurs (Ausha, Acast, Podcastics, et bien d’autres) facilitent la diffusion sur les plateformes d’écoute (Apple, Google, Spotify, Deezer…).
L’internaute avide de facilité ne trouve pourtant pas son compte dans cette diversité d’acteurs du son en ligne, face à un espace vidéo unique, fédérant à la fois les créateurs et les spectateurs.
L’auditeur en quête de nouveaux contenus se trouve dérouté, s’il espère la facilité d’une recherche sur Youtube. Et une fois la série sélectionnée, le nombre d’écoutes réel et l’ensemble des commentaires, éparpillés sur les diverses applications, ne lui seront pas révélés. Frustrant.

Les Etats-Unis ne se sont pas laissés impressionner, et ont réellement adopté le podcast dès 2014, avec la sortie de l’émission à succès Serial.

De notre côté de l’Atlantique, la renaissance du podcast est enfin en bonne voie.
L’intelligence artificielle audio débarque et se développe sous forme d’assistants vocaux insérés dans nos enceintes ou voitures connectées. On détourne alors le regard des écrans pour engranger de l’information ou s’évader dans la fiction tout en conduisant ou en faisant le ménage. Il est désormais presque aussi simple d’écouter son podcast favori que d’ « ouvrir la radio », perçue comme un support obsolète depuis l’ère Internet et l’exigence de réponses immédiates à nos interrogations. Et l’on découvre dans l’audio numérique une nouvelle dimension d’écoute, un ton plus posé et intime, des paroles plus libres, un rythme inédit qui séduit certains animateurs des ondes hertziennes se lançant eux-mêmes dans l’aventure.

La tendance audio est relancée, appuyée par la technologie. Arrivée au bon moment, une application ClubHouse qui décolle en un an nous rappelle étrangement les statistiques des débuts d’un site de vidéo. Elle est pourtant basée sur le son, et s’apparente même à une bonne vieille conférence téléphonique. Mais l’idée semble révolutionnaire aux yeux des utilisateurs, et de nombreux acteurs du net lancent ainsi à leur tour des solutions similaires au risque de pousser l’initiateur du concept aux oubliettes.

Quoi qu’il en soit, à la reconquête de notre sens auditif, nous nous dirigeons assurément vers un monde aux dialogues passionnés avec nos assistants vocaux en progrès, à un nouvel élan nostalgique de l’ancêtre radio qui a encore de la voix, à la montée en puissance d’un podcast au jeune écosystème effervescent.
GoliaTube, pousse toi de là!

  Photo by BRICK 101 on Foter.com

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