Regards croisés entre podcasteur et journaliste

Je rencontre Pierre Weill, une grande voix de France Inter, au Paris Podcast Festival et c’est une occasion extraordinaire de croiser nos regards sur les métiers de journaliste et de podcasteur. Le podcasteur est-il le nouveau journaliste du numérique, plus libre et indépendant que son prédécesseur ? Pour autant, bien souvent autodidacte et encore non reconnu comme service de presse. Des questions qui m’ont toujours intéressée en tant qu’entrepreneur de ce nouveau média.

Mon invité, lui, a “parcouru tout le domaine possible de la radio : j’ai eu la chance de travailler à France Inter, à Radio France pendant plus de quarante ans”. Il a fait du reportage, de la présentation de journaux, des émissions le matin, le soir, il a été correspondant à l’étranger, à Jérusalem pendant douze ans. C’est une chance extraordinaire de pouvoir poser toutes mes questions sur la façon de mener une interview, un peu comme dans une masterclass de journalisme.


Et ses réponses ont démystifié une partie des idées que j’avais sur les différences entre le podcast et le journalisme. Mais avant de commencer à parler de sa carrière, j’ai voulu savoir comment tout avait commencé.
Pierre a eu la vocation très tôt, dès l’âge de 12 ans. “J’étais fasciné et j’écoutais les premiers grands directs à la radio. Europe 1 a été pionnier dans ce domaine-là. Les premiers grands débats politiques, j’ai le souvenir de 1965, la première élection présidentielle au suffrage universel, l’assassinat de Kennedy en 63.” On était vraiment dans la réalité avec un ton naturel, alors que sur les autres radios on déclamait.


Une de mes grandes interrogations portait sur la façon de poser les questions et de préparer les interviews. Pas de surprise, beaucoup de travail et d’écoute pour faire ressortir des moments de vérité et surtout éviter la langue de bois. Mais alors, qu’en est-il du storytelling, est-ce quelque chose que l’on apprend dans les écoles de journalisme ?


“D’abord, vous parlez d’école de journalisme, Delphine, mais il se trouve que moi, je n’ai pas fait d’école de journalisme, c’est mon parcours particulier, même si aujourd’hui ce serait plus difficile parce qu’il y a une technicité. J’ai fait Sciences Po pour ma culture générale, et le reste, je l’ai appris en écoutant les grands noms : Chancel, Mourousi, Pierre Bouteiller. J’étais gamin, j’enregistrais sur mon magnéto à cassette des journaux entiers à la radio que je réécoutais.”

Pierre a toujours été fasciné par l’information. Informer, donner des informations précises, crédibles, vérifiées, avec des gens compétents qui ont de la culture, qui savent faire passer le message. “Le podcast, c’est de l’information, évidemment. Le seul problème, c’est qu’il faut faire attention aux podcasts que l’on écoute, tout le monde n’est pas journaliste. Un journaliste, c’est quelqu’un qui enquête, qui vérifie.”

Mais il y a une grande différence entre le podcast et le journalisme dont Pierre parle, fait d’émissions en direct où l’on travaille un peu sans filet. “Le podcast, c’est du journalisme, mais c’est quelque chose qui est enregistré. On peut vraiment en faire un produit magnifique, une radio très élaborée, magnifiquement réalisée, avec du recul.”

Le podcast permet aussi souvent de traiter des angles qu’on ne traite pas obligatoirement dans l’immédiateté, dans l’information à chaud, parce que les minutes d’antenne étaient insuffisantes. J’ai demandé à Pierre Weill s’il envisageait un jour de les traiter en podcast ?


“Il faudrait retourner sur le terrain. J’ai été correspondant entre 1990 et 2002, donc le podcast n’existait pas. À mon époque, j’aurais bien voulu pouvoir utiliser les rushs. J’ai vécu là-bas des moments historiques inoubliables et c’est toujours impressionnant quand on est sur le terrain, au milieu des gens, et qu’il se passe un évènement, comme la poignée de main Rabin-Arafat. Par exemple, j’aurais pu proposer un podcast sur les conséquences de cette poignée de main avec tous les rouages. Le podcast est une avenue supplémentaire qui est créée pour l’information et sur laquelle on peut foncer et créer des choses extraordinaires.”


Comme Pierre Weill l’a dit lors de sa dernière émission au journal de France Inter l’an dernier : “Grâce à France Inter, grâce à ce métier que j’ai pu exercer, le métier de mes rêves, eh bien, ma vie a eu un sens.” Aujourd’hui, Pierre Weill continue de faire entendre sa voix dans le podcast et la narration audio avec un premier épisode enregistré pour la BNF sur Jules Verne. “Encore une fois, pour moi, c’est de l’information, une analyse de l’écriture de Jules Verne. Le fait d’écouter un podcast vous donne envie de mieux connaître un sujet, de l’approfondir.” Mission réussie.

Inscrivez-vous à la newsletter de Podcast Magazine

À propos de l'auteur /

Consultante en stratégie d'entreprise au sein des Big Four pendant 15 ans devenue productrice de podcasts de marques multilingues après une expatriation de 10 ans en Italie. Delphine a fondé 2goodmedia.com en 2020, un média digital indépendant d'Edu-Entertainment et un podcast en 4 langues (français, anglais, italien et chinois) dans les industries créatives. Aujourd'hui, le studio de 2Goodmedia est situé au cœur du quartier de la mode et du luxe à Paris.

Laissez un commentaire

Indiquez ce que vous cherchez et appuyez sur Entrée pour effectuer la recherche