La puissance du balado
Radio-Canada existe depuis plus de 80 ans et a créé il y a presque trois ans une nouvelle marque qui s’appelle Radio-Canada OHdio. Application et site Web, elle regroupe l’ensemble de tout ce qu’il est possible d’écouter aujourd’hui. Radio-Canada sépare de manière assez chirurgicale les différents pôles : la radio parlée d’une part (ICI Première), la radio musicale de l’autre (ICI Musique) et le podcast original. Radio-Canada produit 70% de son catalogue. Livres audio, concerts, acquisitions de spectacles d’humour, coproductions internationales, partenariats avec différents autres diffuseurs au Canada mais aussi avec des diffuseurs français. Rencontre avec Natacha Mercure, première directrice de Radio-Canada OHdio.
Natacha s’occupe de la production audionumérique exclusivement, que l’on appelle au Québec les balados. Pour l’auditeur, tous les contenus vont se côtoyer et se retrouvent sur Radio-Canada OHdio. Mais chaque secteur possède sa propre programmation pour son public cible. “Il va arriver à l’occasion que nous fassions des projets ensemble, des projets en synergie parce qu’un sujet ou une personnalité par exemple s’y prêtent. Mais en général, on a vraiment chacun notre indépendance pour faire nos propres contenus”, indique Natacha.
Cloisonnement des contenus
Les balados de replay d’ICI Première ou ICI Musique existent comme dans chaque radio qui se respecte. Mais ce qui est notable, c’est que seuls 5% des balados originaux se retrouvent sur l’antenne linéaire, par exemple pour les fêtes ou pendant l’été. Mais les balados sont d’abord et avant tout produits pour une écoute à la demande. Au Québec, l’audience de la radio est en augmentation et c’est probablement en partie grâce au balado. Depuis quelques mois, l’audience de la radio et du balado se porte très bien. “Ce qu’on a remarqué, c’est que les gens qui viennent sur Radio-Canada OHdio, les nouveaux auditeurs en fait, majoritairement vont venir pour écouter, découvrir des balados. Les balados nous permettent d’aller joindre un auditoire qui ne serait peut-être jamais venu sur Radio-Canada OHdio autrement”, confie Natacha.
Une approche internationale
Radio-Canada aime travailler avec d’autres pays afin d’échanger sur les nouvelles façons de travailler et bien entendu d’étendre ainsi l’auditoire. Le partage des archives est également un atout, comme les deux dernières coproductions avec France Culture. “On travaille aussi avec CBC, le pendant anglais de Radio-Canada. On fait une à deux collaborations avec eux également chaque année, dont Le village qui est en nomination au Paris Podcast Festival, qui est un projet qu’on a travaillé conjointement avec nos collègues anglophones”, développe Natacha.
Plusieurs fois dans l’année, des appels à projets sont lancés pour les productions internes et externes. Avec plus de 300 réponses, l’équipe analyse toutefois toutes les propositions : “On demande quand même beaucoup de détails, donc un synopsis après le détail de chacun des épisodes, le public cible…” Pour les heureux élus, une première phase de développement prend forme avant de partir en production. Le plus important étant que l’histoire “ait du souffle” et dure plus d’un épisode.
De la radio au podcast, il n’y a qu’un “tu”
Alors, quelles sont les grandes différences entre la manière de concevoir un contenu pour la radio linéaire et le balado ? Y a-t-il plus de libertés dans ce dernier ? “Peut-être que l’on s’en permet un peu plus. Au niveau du podcast, on va être souvent plus sur le tutoiement. On a un temps qui peut être un petit peu plus familier et qui est accepté aussi par les auditeurs.” Les radios linéaires n’ont pas le même temps pour éditer les contenus car ils sont en direct 7j/7. “Et nous parlons à des niches, alors que la radio parlée parle à un très grand public. Donc, on peut se permettre d’aller vers des sujets peu ou pas traités à l’antenne. Tout en étant complémentaires.”
Quid de la monétisation ?
La radio parlée ou musicale en direct n’a pas de publicité du tout. Pour les replays et les balados, c’est autre chose. La publicité existe en pré-roll avec un maximum de 30 secondes sur la plateforme interne et de deux publicités sur les plateformes externes, sauf pour les contenus jeunesse de moins de 13 ans qui n’en ont pas. Mais Natacha est claire sur le fait que l’objectif n’est pas d’en ajouter. Pour savoir ce qui est absorbable, des sondages sont régulièrement réalisés auprès des auditeurs qui n’avaient jamais entendu de publicités auparavant sur le service public québécois. Pour calculer les audiences, il existe deux systèmes de mesure. L’un par le biais de Triton Digital pour les plateformes externes et pour le reste, la partie interne, ce sont les propres outils de Radio-Canada avec une réelle finesse de calcul sur la complétion par exemple. “Il faut savoir qu’actuellement, sur Radio-Canada OHdio, on est presque à 50/50 entre le replay d’antenne et la consommation de podcasts originaux, ce qui me semble être une exception si on se compare par exemple à de grandes radios européennes”, commente Natacha. L’appétit des annonceurs est bien présent sur cette nouvelle offre audio avec un gros travail des équipes marketing de l’audionumérique sur le positionnement. “C’est un produit très qualitatif aussi. Donc, de plus en plus, les annonceurs vont s’intéresser aussi à aller chercher des « niches d’histoires » et c’est ce qu’on est capables d’offrir, entre autres, avec le balado.”
La communauté, le nerf de la guerre
Le projet qui anime Radio-Canada aujourd’hui concerne une attention particulière aux communautés multiples des balados, compte tenu de la diversité des niches existantes. “On s’assure de travailler avec des gens qui ont déjà des communautés actives et qui sont près de leurs auditeurs, raconte Natacha. La découvrabilité est assez difficile pour nous sur la partie francophone. On est entourés de beaucoup de contenus anglophones et il faut réussir à se démarquer.”